A toi...
A toi, bel athlète inconnu. A toi que je ne croiserai peut être jamais. A toi parti si vite au départ des championnats inter-régionaux de cross à Verneuil ce dimanche 17 février. Je te dédie ces quelques lignes...
Moins d’une minute s’est écoulée quand nos regards se sont croisés. Le coup de feu avait retenti libérant les près de 200 masters, tous plus motivés les uns que les autres. Moi, j’avais choisi la sagesse : partir derrière, d’autant que mon ischio et mon tendon d’Achille se rappelaient à mon bon souvenir...
Toi, tu es parti vite. Trop vite. En tous cas trop vite pour éviter ce lampadaire au beau milieu du passage ! Tu es tombé. Je n’ai rien vu. Je t’ai juste vu à terre, allongé à demi-conscient. Le sang coulait sur ton visage. Nos regards se sont croisés. Une personne est venue à ton secours, te protégeant du flot de coureurs dévalant sur le passage...
Cette scène n’a duré qu’une poignée de secondes. Une vision horrifiante qui me trouble durant les premiers hectomètres de ce cross. Je pense à toi. Je m’inquiète de ton sort. Un étrange sentiment m’envahit : de la culpabilité de poursuivre ma route, « comme si de rien n’était », mélangé à l’envie de « t’honorer » et d’aller au bout, pour toi.
Je poursuis donc mon bonhomme de chemin. Sylvain, mon compère de club, est déjà loin. Je suis parti prudemment. Le revers de la médaille : je me suis d’emblée engouffré dans les profondeurs du classement. Peu importe. Je dois continuer. Pour toi.
Les encouragements donnent du baume au cœur. C’est d’ailleurs ce que me confie à l’arrivée Romain Lejbowicz (dossard 1582), un coureur du CS Clichy Athtétisme qui fini juste devant moi : « c’est toi Fred ? On a couru ensemble et tous les encouragements qui t'étaient destinés m’ont également aidés » me confie-t-il avec le sourire, surpris d’avoir entendu autant mon prénom tout au long du parcours. C’est vrai que les encouragements des un(e)s et des autres me réconfortent et me donnent l’énergie pour relancer dans les derniers kilomètres. Je remonte peu à peu et gagne quelques places pour finalement terminer 135ème en un peu plus de 39 minutes.
La ligne d’arrivée franchie, c’est encore à toi que je pense. Où es tu ? Que fais-tu ? Et surtout dans quel état es-tu ? Aujourd’hui j’ai découvert les images de ton accident. La violence du choc confirme ce que j’ai ressenti quand je t’ai aperçu au sol. Aujourd’hui une seule chose importe : que tu ailles bien. Si tu lis un jour ces quelques lignes, fais-moi signe. En espérant avoir le plaisir un jour de te croiser... sur une ligne d'arrivée !