L’enfer du dimanche !
Avant de rejoindre le SAS de départ peu avant 9h ce dimanche 15 avril, mon frère Christophe me souhaite "bon vent". Faut dire qu’Eole, Dieu des vents, a bel et bien décidé de participer lui aussi au
Marathon de Nantes et de jouer les trouble-fête ! Qu'importe, je reste concentré sur mon objectif et prend le départ avec l'allure de 4'08" au kilo. Je regarde
ma montre sur les premiers kilomètres pour vérifier que je suis dans le bon tempo. Pas de soucis. Avec mes lunettes de soleil Prada, je ne devine alors pas que le diable m’attend
patiemment à quelques encablures plus loin.
Au passage du 10ème kilomètre, je suis parfaitement dans les temps, malgré les bourrasques de vent. Je passe en 41’20’’, c’est parfait mais je sais que le plus dur reste à venir. Au 15ème kilo, je constate que j’ai légèrement ralenti, passant alors en 1h02’33’’. Je me cale alors derrière un concurrent pour éviter tant que faire se peut les rafales de vent. Nous arrivons près du semi et soyons honnête, je ne suis pas aussi à l’aise que je devrais l’être. Si j’ai parcouru la première moitié en un peu plus d’1h28 relativement facilement, la seconde moitié s’annonce une longue descente aux enfers….
L’enfer du devoir
Peu à peu, mon allure ralentit et, au 24ème kilomètre, le meneur d’allures des -3h et sa garde rapprochée me rattrapent ! Je reste positif dans la tête et m’accroche à leurs jambes. Pendant 3 kilomètres, je réussis à maintenir cette allure « d’enfer » ! Au 27ème kilomètre, je lâche prise. Déjà, les premières crampes se font sentir. A partir de là, chaque mètre va devenir un véritable supplice ! Pourtant, je sais que je n’abdiquerai pas. Jamais, je n’ai abandonné une course et ce n’est pas aujourd’hui que cela arrivera. Aller jusqu’au bout, tel est mon devoir.
Chemin de croix !
Mon allure ralentit de
plus en plus, les crampes deviennent trop douloureuses. Nous sommes seulement au 30ème kilomètre, et je suis contraint de m’arrêter. La douleur qui frappe mes jambes
est trop grande. Je m’étire. Je marche, je trottine quelques dizaines de mètres, parfois même quelques centaines, ce qui me parait un véritable exploit. Au 37ème kilomètre, mon cousin
Eric et sa femme Fabienne m’encouragent. Je m’arrête pour les saluer et leur explique dans quel état je suis. La plâtrée de pâtes qu’ils m’ont copieusement servi
la veille n’aura malheureusement pas fait le poids face à l’acide lactique qui se déverse dans mes jambes !
Je marche seul !
Les derniers kilomètres paraissent interminables, malgré les encouragements du public dans le centre ville. J’alterne entre marche et footing, au ralenti. J’ai parfois même l’impression d’avancer plus vite en marchant. Le vent se déchaine et je commence à avoir froid. Vite, qu’on en termine. Ca y’est, je franchis la ligne d’arrivée en 3h25’49’’. Il faut maintenant regagner l’hôtel. 1,5 km supplémentaire à parcourir seul puisque mon frère ne m’a pas retrouvé dans la foule de coureurs. Me voilà donc dans les rues de Nantes, je marche seul sans témoin, sans personne, que mes pas qui résonnent, je marche seul. Il me reste 500 mètres à parcourir mais j’en peux plus et j’ai froid. Je fais signe à une voiture de s’arrêter…par chance elle me prend en stop, quel soulagement !
La vérité en face
La vérité, je vous le dis, c’est que je suis un vrai faux marathonien. Chaque individu possède à la fois des fibres musculaires endurantes (« fibres rouges ») et rapides (« fibres blanches »), ces dernières étant associées aux activités intenses et de courte durée. Ancien pistard, mes muscles sont quant à eux riches en fibres blanches. L’entraînement peut amener de petits changements dans les proportions des différentes fibres musculaires, mais bien souvent cela ne suffit pas. Ancien sprinter aux côtés de Roger Bambuck, mon père Patrick Suquet m’a donc transmis ses fibres blanches. Je vais donc me remettre sur des distances plus courtes et ainsi honorer dignement, comme lorsque j’avais 20 ans, cet héritage que m’a transmis mon père…